Quête du sens, quiétude des sens

Un article de Pierre Blanc-Garin pour le CEECA Nouvelle-Aquitaine

Les leviers de motivation

II/ LES LEVIERS DE MOTIVATION

A. Générations infidèles : nouvelles politiques de fidélisation

Nous l’avons vu précédemment dans la première partie de cet article sur la fidélisation des jeunes générations en entreprise, les Echos START présentait dans son article « Génération infidèle, vraiment ? » la nouvelle conception de la fidélité aux et en entreprises chez les nouvelles générations et particulièrement la génération Z. Cinq dimensions principales sont ressorties de ce constat, autant de leviers à enclencher dans les politiques de fidélisation des jeunes dans les entreprises. Les Echos en présente ici quatre, les principaux sur lesquels travaillent actuellement les entreprises.

Le premier levier repose sur « le bien-être », ce qui passe notamment par « une meilleure prise en compte des préférences des jeunes en matière d’horaires de travail ». Aménagement du temps de travail, flexibilité du travail, nouvelle organisation du travail, les expressions ne manquent pas pour décrire les nouveaux besoins en entreprise, exacerbés et motivés par la pandémie de COVID-19 qui a bouleversé les us du monde du travail. Le retour en arrière semble impossible désormais.

Le deuxième levier « vise la recherche d’authenticité et d’affectivité ».  Cette notion appuie ce que Maurice Thévenet nomme la personne Z, c’est-à-dire le développement de la « responsabilité sociétale de l’entreprise ». Au niveau à la fois salarial et managérial, cela implique de voir le rôle du manager évoluer, passant de « supervision et contrôle » à « accompagnement et coaching ». Le savoir-être devenant aujourd’hui aussi, si ce n’est plus, important que le savoir et le savoir-faire.

Alors que ces derniers s’appliquent et se développent chaque jour dans l’application des missions, le savoir-être est par nature intangible, en tout cas moins quantifiable, et se doit d’être particulièrement accompagné par le management. Une entreprise capable de faire grandir ses employés est une entreprise capable de se grandir elle-même au-delà de son activité purement mercantile. En donnant du sens, et surtout en s’en donnant les moyens.

Dans son article « Quiet quitting : comment  (re)motiver durablement les salariés ? », les Echos nous rappelle les chiffres d’une étude Zety qui montre que « près de la moitié des jeunes employés veulent que leur travail participe à ‘’rendre le monde meilleur’’, et 59% souhaitent un ‘’meilleur équilibre vie pro-vie perso’’». Autrement dit, malgré toutes les motivations extérieures – la rémunération étant la première – ce sont bien les motivations internes qui priment désormais pour les jeunes générations.

Le troisième levier concerne « la création et l’engagement ». La quête du sens on l’a dit, implique pour l’employé de transcender ses simples missions du quotidien en un désir permanent de contribuer à des projets plus grands. Des projets plus grands pour l’entreprise tout autant que pour l’employé, qui se voit alors encouragé dans ses initiatives. On pense par exemple au développement de l’intrapreneuriat ou à l’implication direct des collaborateurs dans les décisions de l’entreprise.

Le quatrième levier repose quant à lui sur « l’ultra connexion et le partage » et comprend « une adaptation de l’espace de travail à la fois numérique et physique ». L’omniprésence de la technologie chez la génération Z influe évidemment sur ses méthodes de travail et sur l’utilisation qu’elle peut en faire dans le cadre professionnel.

Tout comme celle-ci revendique une plus grande flexibilité dans l’organisation du travail, elle demande également une plus grande flexibilité dans l’aménagement des conditions de travail. Le défi à relever pour les entreprises est donc de parvenir à proposer un environnement mixte dans lequel numérique et physique peuvent vivre en harmonie.

B. Le purpose : comment approcher les personnes X, Y et Z ?

A la question du sens, du purpose, Maurice Thévenet nous proposait une vision tridimensionnelle de ce concept. La personne X ou la raison d’être de l’entreprise, la personne Y ou la culture de l’entreprise et la personne Z ou le purpose lui-même. Comment aborder ces trois dimensions d’un point de vue entreprise et managérial pour atteindre un optimum, ou du moins y contribuer ?

Tout d’abord, l’auteur nous rappelle « de ne jamais oublier le X ». De manière très cartésienne, il insiste sur le fait que « le premier devoir [pour l’entreprise] est déjà de bien faire ce qu’[elle] est censée faire ». Autrement dit, quête du sens oui, mais toujours avec raison. Et surtout, sans pénaliser l’activité première de l’entreprise, ce que l’on risque « en croyant que l’entreprise serait faite pour ceux qui la composent… ». M. Thévenet diffère en cela des constats faits par Les Echos, qui dans son article montre que si l’entreprise n’est pas en parfaite adéquation avec les valeurs des jeunes générations, celles-ci la bouderont.

Deux générations s’affrontent ici, quand l’une affirme qu’avant de céder aux sirènes des grandes causes idéologiques il faut « donner sa part au réel, c’est reconnaître, accepter, apprécier, ce qui résulte de l’histoire, une culture qu’il faudrait d’abord honorer avant de l’occulter ou de la mépriser » ; alors que l’autre par son rapport à la fidélité ne sacralise plus l’entreprise et place ses valeurs au-dessus de la culture de cette dernière.

Pour nuancer cette opposition très manichéenne, le deuxième conseil de l’auteur est « de ne jamais oublier que dans la trinité XYZ, l’important ce n’est pas le XYZ, c’est de réduire l’écart entre ceux pour qui ces notions sont claires, impératives et concrètes, et ceux pour qui (à l’extérieur ou à l’intérieur de l’entreprise) tout cela n’est que communication, gadget, marketing, en un mot XYZ-washing ».

Et plutôt que d’opposer ceux qui y sont traditionnellement réfractaires ou non informés – les anciennes générations et le management pour caricaturer – avec « les gardes verts de la RSE » selon M. Thévenet, l’enjeu est de rendre ces notions concrètes pour chacun afin de proposer une pédagogie adaptée et donc in fine l’adhésion de l’ensemble des acteurs de l’entreprise.

Enfin, le troisième et dernier conseil est « de ne jamais imaginer avoir défini une fois pour toute X, Y ou Z […] Être toujours en recherche de X, Y et Z, c’est aussi le moyen de ne pas donner l’impression délétère que tout cela ne relève que de la vanité des engagements fluctuants ».

Il serait mal avisé de ne penser les jeunes générations qu’uniquement dans la lutte et la revendication par simple esprit de contradiction ou d’opposition face aux anciennes générations. L’urgence et les preuves de cette dernière ne font que confirmer année après année le nécessaire éveil des consciences face à notre avenir commun, et la conscience des entreprises n’est pas épargnée par cette nécessité.

Mais alors, et après ? Une fois la prise de conscience effective sur les enjeux de la fidélisation, et plus important encore sur les enjeux macroéconomiques et structurels qu’ils soulèvent, que faire pour pérenniser cette fidélité nouvellement acquise chez les jeunes générations ? Nous vous donnons rendez-vous dans la troisième et dernière partie de cet article sur les clés pour conserver les talents dans son entreprise.

La fidélisation des jeunes générations en entreprise : Partie 2 – Agir sur les leviers, CEECA